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"À mon avis, il est essentiel pour les photographes de trouver de temps en temps un regard ‘perçant’ sur leur travail.
Un regard qui sache faire exister le meilleur - et parfois le plus inconscient - des ressorts qui animent les auteurs.
Critiquer sans détruire, en proposant de travailler à faire toujours mieux et en en donnant l’occasion concrètement."
Sophie Chivet

Sophie Chivet a fait une série d'images en noir et blanc, en 24x36. Dans le même train de banlieue que celui qui l’emmenait à l’école adolescente.
C’est avec ce sujet entre autres qu'elle se présentera aux professionnels.
Elle cite des rencontres marquantes, chacune pour des raisons différentes. Qui l’ont aidé à se construire.

"J’ai travaillé plus de 2 mois avant de dépasser ma peur et de faire des images en gros plan des gens. Sans recul et sans donner d’explications. Les gens debouts, collés à moi. Puis un mois encore et obtenu une série d’images cohérentes.
J’ai donné toute mon énergie, toute ma sensibilité d’alors."

Elle tente de retrouver la promiscuité qui la dérangeait tant enfant. L’inconfort du voyage. L’étrangeté des regards qui se croisent. Le train qui ne marque aucun arrêt pendant un quart d’heure empêche quiconque de se rebeller. Ce serait engager des discussions, polémiquer Les gens, ne voyant aucune échappatoire, se laissaient prendre en photo.
"J’ai participé à une rencontre entre jeunes photographes et des représentants des métiers de la photographie.
Ayant courageusement fait la queue comme tout le monde pendant des heures, j’ai vu mon tour arriver…
Je me suis retrouvée toute intimidée face à un homme d’une cinquantaine d’années, connu, dont j’ai oublié le nom, qui a regardé mon book avec dédain. Et critiqué mes photos de gens dans le train. Pour lui c’était de la copie des images de Ralph Gibson. Il était impossible de faire des images comme ça. Pour lui il était évident que j’avais triché et fait des mises en scène avec des gens que je connaissais.
J’ai eu beau protester, il n’a jamais voulu me croire et m’a presque virée."

Cette expérience met la jeune photographe en colère. Elle se sent rabaissée.
Convaincue qu’il faut encore montrer cette série, elle pose un dossier à l’Agence Vu. En consultation. Lorsqu’elle vient reprendre ses photographies, Christian Caujolle* lui accorde un moment. Pour lui dire qu’elle ne peut faire partie des photographes de l’Agence. « Qu’il y a quelque chose dans son travail ». Il lui conseille d’aller au service photo de Libération.
Sophie Chivet y rencontre Frédérique Deschamps.
Elle commence à travailler pour le quotidien, irrégulièrement.
Jusqu’à une commande plus dense, des années après. Il faudra faire des gros plans, comme dans les trains.
"Je suis toujours interloquée quand les iconographes se souviennent d’images vues des années auparavant. C’est là je pense une grande richesse qui aide les photographes."
La commande est difficile, des personnalités du monde politique – Jacques Chirac, Lionel Jospin, Edouard Balladur- que le lecteur doit reconnaître. Sans voir leurs visages pour autant.
"Je devais me débrouiller lors de réunions publiques, conférences de presse ou meetings de campagne. Je n’ai quasiment rien rapporté après les deux premiers essais. Mais Frédérique ne m’a pas lâchée, m’obligeant à dépasser mes limites.
2 mois de stress… mais 3 doubles pages dans le journal."


Et puis il y a la rencontre avec Christian Coq, responsable du service photo du Parc de la Villette. Avec les images de train, et d'autres cette fois.
"Il avait remarqué des photos qui m’avaient permis de gagner un prix**. Notre collaboration a duré 8 ans, je crois et c’est lui qui m’a appris à travailler en me passant toutes sortes de commandes. Persévérant, confiant, absolument exigeant sur le fond et la forme de l’image, sachant dire que les choses vont ou ne vont pas.
Je lui dois beaucoup. C’est grâce à ses conseils que j’ai fait le suivi photographique de la restauration de la Grande Galerie du Muséum d’Histoire Naturelle."

Et c’est cette mission qui ouvrira finalement les portes de l’Agence Vu à Sophie Chivet.
bso

* Fondateur de l’Agence Vu en 1986. Il est alors directeur du service photo du quotidien Libération.
** Prix créé par le Conseil Régional d’Ile de France à l’occasion des 150 ans de la Photographie.
Sophie Chivet a réalisé des images d’immeubles sociaux construits entre les deux guerres. Elle y incrustera au moment du tirage des portraits de leurs habitants.
C’est avec une série de cinq photographies qu’elle remporte ce prix en 1989.

Brigitte Sondag




Sophie Chivet est photographe, membre de l’Agence Vu.
Son goût pour l’architecture ordonne ses cadrages, son attachement aux autres harmonise ses portraits.
Elle a publié récemment un livre aux Editions Atlantica
« Portraits de famille ».
contacter Sophie Chivet



Photo: Sophie Chivet