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Le CPE et les photojournalistes
 

 
 

Dans l'édition du 26.03.06 du Monde, un article de Sylvie Kerviel sur l'agression d'un photographe, Georges Merillon, à l'issue de la manifestation aux invalides le jeudi 23 mars.
Agression perpétrée par un jeune.
La journaliste rapporte le constat fait par les photographes de presse du changement d'attitude à leur égard, concomitant au changement sociologique visible du public des manifestations.
Alors?
Les casseurs ne sont pas des manifestants? Ce ne sont pas des jeunes comme les autres? Ils n'expriment aucune révolte? S'en prendre à une vitrine, un lycéen, un journaliste, une voiture, ne signifie rien?C'est plus rassurant un jeune étiqueté anarchiste qui attaque la police?

Pour ma part, je ne m'étonne pas de cette évolution.
Souvent placés entre la police et les manifestants, à attendre le dérapage et l'image spectaculaire, la majorité des preneurs d'images sont au contact de la violence.
La presse est présente pour informer. La présence de la presse permet toujours de dénoncer les dérapages policiers et peut-être de les prévenir. La présence de la presse assure souvent la publicité et peut-être encourage le passage à l'acte violent d'une partie des manifestants.
A voir mes confrères à Paris ce 21 mars lors de la fin de manif près de la Sorbonne, je croyais voir des images du reportage de Patrick Chauvel sur les photojournalistes de guerre et des images faites dans la bande de Gaza.
Gaz lacrymo, coups des casseurs, certains photographes se préparent visiblement au pire.
Le pire finit par arriver.
A quel point influençons nous l'information que nous sommes censés observer et transmettre?
Ce jeune qui tape sur Georges Merillon, reporter aguerri, que dit-il?
Laisse moi délinquer sans publicité?
Mort à la presse bourgeoise?
Journalistes-Police, complices!

Le fait est que la police aussi filme et photographie les manifestants, pour de futures identifications et que partout circule l'idée de l'enrichissement de certains photographes sur le dos de ceux qu'ils photographient.
Le fait est qu'il n'est pas toujours aisé d'identifier qui fait quoi.

Alors?

Le 22 mars, la photo qui a retenu mon attention sur cet événement dont j'étais le témoin fut celle d'un jeune cagoulé lançant une balustrade métallique sur une barrière de police bloquant le boulevard Saint-Michel. Seul. Etrangement.
Une photo dans un quotidien pour parler de la manif. Une photo pour résumer quatre heures de marche dans Paris, deux heures de tension entre 15 jeunes parmi 200, 15 excités parmi 200 perplexes et un peu paumés place Edmond Rostand devant les centaines de policiers interdisant l'accès des rues de Medicis, Soufflot, le bd Saint-Michel.
Il faut montrer ces violences.
Mais rappeler le contexte. Pas que dans le texte. En images aussi.
Sinon que pensera un lecteur du Maine-et-Loire de cette manif où il n'était pas?
Il aura peur, sans doute. Et après...

Taire la violence c'est désinformer.
Ne montrer que la violence c'est désinformer.

Y'a du pain sur la planche les amis!

Tout mon soutien à Georges Merillon.

Olivier Touron
Photojournaliste
CP 86841
+33 603 226 708
couleur d'orange

©photos: Olivier Touron

Réaction de Garywald

Loin de Paris et de ses émeutes, l'image parait plus nette...
Que vois t'on? Tout ce que la capitale compte de photographes de presse, jetés sur le pavé humide, casques rivés sur la tête, visières baissée, bardés d'appareil, look carré en ombre chinoise. Ils courent, sont présents partout, entre les manifestants, derrière ou devant les casseurs, c'est la guerre, les lacrymos et les matraques...
Le but du jeu est de rapporter l'image, au "péril" de sa vie, l'ambiance est tendue, tout ça est excitant...

Terriblement excitant.
Pour une fois...

Parce que le quotidien est morose, que le marché se réduit, que la place faite aux photographies de presse dans les magazines disparaît au profit des images publicitaires. Parce qu'on pige, qu'on bouffe mal et que l'agenda ne se remplis pas. Les après midi ou la pluie tombe sur la capitale, fin de mois, on se regarde pour la 20ème fois le film documentaire de Chauvel (formidable)... Delahaye, Nachwey ou Boulat parlent de guerre, d'engagement, de conscience politique, d'une vie que l'on a imaginé vivre cent fois sans en imaginer le prix. On a l'impression l'espace d'un instant de se retrouver dans les années 70, attendant un coup fil pour partir à l'autre bout du monde. C'est la fin de la bande. Retour au réel.
Alors quoi?

Cette cohorte médiatique prend son pied. Car il s'agit bien de cela, de photographes nostalgiques d'un temps ou l'on partait à la guerre comme le mercenaire. De photographes se rappelant leur vie rêvée ou vécue, disparue depuis... Pour les plus jeunes le moyen de faire leurs preuves, tenter d'accrocher une "paru" ou séduire un agence à coup de cliché fort. Loin des traditionnels défilés "plan plan", on est à Bagdad ou Beyrouth à deux pas de la Bastille... c'est le reportage de guerre à moindres frais.
"Vas y coco, ramène nous des images et si t'es bon on te garde, en diffusion bien sur, faut pas rêver..."
Alors rament les rameurs, les petites mains fraîches sorties des écoles.

Ils passent devant les anciens, poussés dans la rue par un coup de pied au cul. Un souvenir de "j'y étais" et un sentiment de "je suis encore capable". Ou "c'est mon boulot" (évidement ça fait trente ans, tu vas pas t'arrêter quand ça se passe en bas de chez toi!). Ceux là se rassurent, se disent que les 15, 10 ou 5 ans à tirer vont se passer pas si mal.

De discussions en discussions, entre collègues, jeunes et briscards, finalement on ne souhaite qu'une chose: que ça pète!
Pour être au milieu du merdier et faire des images, se sentir exister. On a tous envie de ça. Les analyses professionnelles à la sauce "sociologique" très bien. On fraye avec le danger, la tension la sueur et le gaz piquant, et l'impression qu'il n'y a que nous qui pouvons nous trouver là. Témoins irréductibles d'une démocratie malade. Entre gentils flics et méchants casseurs. Voyeurs exploités par un système que l'on refuse de voir changer. Accrochés à nos vieux rêves, pour une fois aveugles consentant. L'oubli de NOTRE réalité fait du bien.

Rien n'excuse les exactions des uns ni des autres, les agressions et les insultes.
Mais de grâce, tant qu'il n'y a rien de grave ne regrettons pas d'être là, ne regrettons pas de faire notre boulot et de construire les histoires de demain, les rêves de nos successeurs.
Pour le reste, la sémiologie, la narration du conflit, les images existent. Il n'y aucun doute sur la maladie de la presse française: cécité!
Les pages des News mags et des quotidiens relèvent de la responsabilité de ceux qui les font. Les contenus rédactionnels ne peuvent être plus fidèles à la réalité sans un réel effort déontologique. Remettre la presse française en ordre de marche,, lui redonner une crédibilité, et faire en sorte qu'elle redevienne le miroir de notre société.

C'est une large question, dans laquelle nous autres photographes avons notre place. Il faut la récupérer.

Garywald


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