Le Temps des Buts
Buts : photographies de Pierre Schwartz Les 18 centièmes du temps (7’) : vidéo d’Olivier Cablat et Simon Scanner
Des buts. Pas ceux qui s’inscrivent dans l’action sportive, pas les gestes qui marquent l’apothéose d’un match, mais les objets en tant que tels. C’est à cette figure simple mais emblématique du terrain de football que Pierre Schwartz s’est intéressé pendant près de deux décennies, lors de voyages effectués dans différents pays du globe.
Le parti pris est sobre : le but est systématiquement photographié de manière frontale et à distance constante, sans balle, ni joueur ou spectateur. Le respect de la règle des deux tiers dans la composition de l’image et le choix du noir et blanc confèrent une certaine neutralité à la démarche. Présentées seules ou par ensemble de neuf, les images donnent à voir et à décrypter tout un monde.
Le sol, au premier plan, aride et vide, est très présent. C’est ici que le but, souvent constitué de matériaux de fortune, prend son point d’ancrage et instaure une limite entre le premier et le second plan. Le but ne délimite pas seulement l’espace, il l’organise. Des paysages épurés du Soudan aux quartiers populaires de Marseille, en passant par Sarajevo ou la ville moderne de Rio de Janeiro ; partout le but, par la grille de lecture qu’il impose, cadre le paysage à partir de terrains vagues, de lieux borderline ou à l’abandon. Réel ou représenté (comme au Vietnam, où il est peint sur un mur), il est cet objet banal, parfois incongru, qui fait partie du paysage.
En mettant en valeur des scènes et des paysages simples, anodins, voire sans intérêt, le but construit l’espace, lui donne toute sa pertinence, sans jamais l’isoler, le fragmenter ou le monopoliser, et invite le spectateur à le reconstituer.
Présentée en contrepoint des photographies de Pierre Schwartz, la vidéo Les 18 centièmes du temps, d’Olivier Cablat et Simon Scanner, propose une vision décalée d’une rencontre PSG / Marseille. De la sueur, des crachats, des hommes à terre, des cris, des coups…Tout, ici, est affaire de corps.
Malmenés, les joueurs sont mis en scène grâce à des ralentis, des gros plans qui accentuent et décomposent leurs gestes. L’attente dans les vestiaires et l’action sur le terrain de jeu sont marqués par une tension permanente. A un moment, une lumière jaune efface un corps en apesanteur sur une pelouse dont la matière se transforme jusqu’à presque disparaître. Plus tard, des gardiens de but, seuls et angoissés, semblent se répondre grâce à des plans alternés. A la fin, l’un des deux baisse la tête, bras écartés, sans que l’on sache si ce geste exprime un soulagement ou une défaite. Quant à la bande son, elle livre les cris des joueurs, leurs injonctions et la clameur du public retravaillés au point de leur faire perdre toute humanité.
Loin des démonstrations tapageuses, les deux artistes nous proposent ainsi une chorégraphie singulière du football, belle et inquiétante.
Christine André
Crédits Pao Grande – Brésil © Pierre Schwartz Photogramme issu de la vidéo Les 18 centièmes du temps © Olivier Cablat et Simon Scanner
Les artistes Pierre Schwartz. Né en 1950. Vit et travaille à Montpellier. Olivier Cablat. Né en 1978. Vit et travaille à Saint-Pargoire. Simon Scanner. Né en 1976. Vit et travaille à Nyons.
Jusqu’au 1er septembre 2006.
Couvent des Récollets 142, rue du Faubourg Saint-Denis 75010 Paris Ouvert du mardi au vendredi de 11h à 19h et les samedi et dimanche de 14h à 19h. Entrée libre.
|